Emmanuelle MAURA

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Le Reposoir – Diffractis au Jardin #5

Photographe plasticienne et graphiste.
Emmanuelle Maura, vit et travaille à Bordeaux.
Diplômée (DNSEP) de l’école des beaux-arts de Bordeaux en 1993.

« Retenir par l’image, les choses, les êtres ou les évènements, c’est ce que nous partageons tous de la photographie. L’image est alors ce fantôme qui se substitue au réel, empreinte lumineuse d’un instant produite automatiquement et à laquelle nous accordons notre confiance.

Mais encore faut-il y croire ! 

Quand Emmanuelle Maura s’avise que la vue de sa fenêtre viendra peut être à lui manquer, elle décide de capter quotidiennement ce fragment de réalité qui l’accompagne depuis de nombreuses années. Projet dont elle ne connaît pas d’avance le point d’arrêt. La photographie inscrit alors l’instant présent, le projetant immédiatement dans un passé révolu, anticipe l’avenir parce que l’acte devra se répéter jour après jour. 

Prolifération. 

Les photographies seront simplement reliées en carnets successifs, rassemblant le temps dans l’épaisseur de ce qui peut s’assimiler à des journaux intimes à feuilleter.

Un usage privé précieusement gardé par-devers soi. 

La rencontre, dans un musée, d’un vêtement appartenant au vestiaire d’une de ces statues de Vierges que l’on sort en procession, a été conservée longtemps sur une simple planche-contact. La photographie argentique travaille en des gris sourds et des noirs profonds la somptuosité du lourd tissu brodé, l’érige en une forme sculpturale à la raideur de pierre dont les béances accentuent l’absence même de corps.  

En attente. 

Longuement mûris dans des carnets il y a eu ces projets de moulages de parties de corps. Une forme directe de l’empreinte qui a sur la photographie l’avantage de retenir les trois dimensions, peut simuler le moindre détail et offrir un faux-semblant, un double véritable qui ne soit pas mince ressemblance pelliculaire.

Mais la ressemblance n’est décidément pas ce qui intéresse la photographe. 

La blancheur compacte, polie, lissée du plâtre accompagné de paraffine translucide et de cire, produisent comme une lumière interne transpirant à l’extérieur et transmute ce qui a été directement emprunté à la réalité en des objets inédits. Une étrangeté qui efface le corps qui a été là. 

Reste fantomatique. 

Exposée, l’image de la robe virginale va prendre forme par un agrandissement photographique sur papier soumis à un pliage. C’est alors la légèreté d’un tissu, d’un drap, qui va se superposer à l’aspect sculptural. Les plis marqués viendront défaire en partie ce que la photographie a enregistré tout en accordant par la présentation, la possibilité pour l’habit précieux solidifié en lourds reliefs d’être simple linge suspendu en un mur. 

Possibilités d’un corps. 

Quant aux carnets de photographies ils vont prendre la forme d’une projection où les images du « même » différé jour après jour, se superposeront dans une accélération du temps susceptible d’offrir une nouvelle densité à cet espace familier perdu.

Transport en un ailleurs. 

C’est par la photographie qu’Emmanuelle Maura retient, préserve, stocke, comme pour amasser de quoi se nourrir ou constituer peu à peu un trésor. Une réserve de formes, motifs, matières qui sont autant d’emprunts au réel, qu’il soit paysage, corps humain, animal ou végétal. Représentations qui ne peuvent satisfaire et qui doivent trouver forme, prendre corps, dans une présence qui dérange, exaspère la part de la photographie qui se contenterait bien d’en rester à une ressemblance de surface. » 

Claire Paries
Texte écrit à l’occasion de l’exposition à la Chapelle Saint-Loup, 2012.

http://www.e-maura.com